Picassauts

Je repense à ce podcast : Picasso, séparer l’homme de l’artiste. J’ai envie de tout mettre dans le même seau. J’ai envie de vomir, il fait chaud et la fille du vestiaire s’en fout de l’art capitolin. Elle préfére regarder sa série sur son smartphone.

Les sièges sont confortables, et les colonnades sont peintes. Je vois mal, je suis entouré de cette fausse douceur, de ce moelleux qui n’a rien d’apaisant. Pas d’ici, je suis. Je ne rencontre pas l’émotion. Le coeur qui bat. Tous les mots qui viennent ne disent rien, ils volettent au-dessus de l’abîme sans prendre corps.

Ils sont beaux pourtant les danseurs*ses , exceptionnels, excellents. La crème de la crème du dessus du lot. Mais je ne perçois aucun morceau d’humus, aucun grain de sable. Seulement des carlingues de métal, arrachées à la terre pour toucher les étoiles. Toucher les étoiles…

Se tenir. Sur les plateaux les danseurs*ses dépassent cette tenue. Ce sont des dieux en mouvement. Si parfait, si sublimes, si talentueux, entièrement dédiés à l’excellence, à l’activation de la libido de ceux qui ont déjà tout.

Il y a tout l’imaginaire des puissants, les taureaux, les faunes, Cocteau, les voix des morts célèbres. Tout autour de moi est en train de crier : « La beauté est là ! » Mais encore et toujours je ne vois pas le serpent, la fissure, l’humanité. Bulldozer d’excellence, aucune secousse, perfection sans équivoque. Qu’est-ce que ça dit de moi cette sensation ?

C’est comme s’il n’y avait pas de style, pas d’individualité, ou alors une individualité normée. C’est l’art parfait, l’art qui doit être. L’Etre qui ne peut que se faire applaudir.

J’applaudis. Évidemment. C’est ça être subjugué ? J’ai envie de voir la germination de leurs mouvements, leurs recherches, leurs apprentissages. Les fleurs que je contemplent portent déjà leur fin il me semble. C’est déjà le début de la mort. Comment renaîtront-ils ?

Et puis des « espagnols » de série B arrivent sur scène. Cliché. Lieu commun. Réduction. Exotisme mal digéré. Je quitte la salle avant tout le monde. Je n’ai pas compris.

Toiles étoiles – Ballet du Capitole – Théâtre du Capitole-Toulouse – 18 février 2022